Luc Mayitoukou ou la marche de l’entrepreneur


Last year Luc Mayitoukou was in Burundi for a workshop on the country’s cultural policy. He was one of the experts invited by Africalia, not his first mission for our organization actually. His agency, Zhu Culture, to be translated as cultural voice, located in Senegal and present in 15 different countries, is on the forefront of cultural entrepreneurship in Africa. Zhu Culture is deploying activities in various fields, such as the organization of festivals, editing, artistic career (...)

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Last year Luc Mayitoukou was in Burundi for a workshop on the country’s cultural policy. He was one of the experts invited by Africalia, not his first mission for our organization actually. His agency, Zhu Culture, to be translated as cultural voice, located in Senegal and present in 15 different countries, is on the forefront of cultural entrepreneurship in Africa. Zhu Culture is deploying activities in various fields, such as the organization of festivals, editing, artistic career management and training. It was an uphill struggle to get there, says Mayitoukou, “we had to prove African expertise is at a competence level comparable with that of an expat”.

What a career he made, Luc Mayitoukou ! Starting as a bass player in his brothers band, in Pointe Noire, in the Congo, at the end of the eighties, he soon realized his talents were elsewhere. Gradually, moving to the Central-African Republic and then back to Senegal, his home country, working with artists like Youssou N’Dour and Baaba Maal, he made his way as a cultural manager. Natacha Songore has more about this fascinating man. His story is just one click away.

Read the whole article Luc Mayitoukou ou la marche de l’entrepreneur by Natacha Songore (in French) here below or click here to download it in pdf.


’’Avec rien faire un peu, avec un peu faire beaucoup et avec beaucoup faire des miracles’’, une devise sur laquelle Luc Mayitoukou a construit une carrière consistante. A la tête de ’’Zhu Culture’’, l’entrepreneur culturel est aussi formateur en gestion de carrière d’artiste et en management d’entreprises culturelles. Il est également consultant expert pour le compte d’Africalia et de diverses organisations internationales. Son parcours édifiant révèle les secrets d’une réussite avant tout familiale.

De mon talent, je vivrai

Au départ, un don certain pour la musique et la nécessité de vivre dans ce pays qui est le sien. Le Congo Brazzaville voit naître à la fin des années 80 une carrière prometteuse malgré la guerre et les misères. Le père, ancien diplomate, est parti trop tôt. La nostalgie des voyages et du Sénégal de son enfance taraude le jeune Luc. Et les circonstances ont changé. Il faut se prendre en mains, payer ses études. Du groupe Tchielly qu’il forme avec son frère Saintrick, Luc est le bassiste et surtout le manager. Car il a compris très tôt que son véritable talent est ailleurs. En effet, Luc fourmille d’idées. Il rêve, il organise, il planifie. ’’Chacun a un don particulier. J’ai senti que je pouvais construire la carrière de mon frère Saintrick qui est le grand artiste de la famille’’ précise-t-il.

Grâce à la musique, Luc Mayitoukou finance ses études en économie financière et décroche son diplôme de licence qui sera plus tard renforcé par une formation en montage de projet culturel et une grande expérience de terrain.

De Brazzaville à Dakar, en passant par Pointe Noire et Bangui, le tandem Luc et Saintrick Mayitoukou du groupe Tchielly réalisera son rêve de toujours : créer, voyager et partager.

A la conquête des espaces libres

En 1991, sans argent ni sponsor, les jeunes Mayitoukou investissent un lieu abandonné où ils se produisent régulièrement. Conscients du potentiel commercial de l’endroit, ils y installent un bar où les clients peuvent venir ’’consommer’’ tout en écoutant leur musique. Ils arrivent à convaincre la propriétaire qu’ils en assureront la gérance et qu’ils lui reverseront un certain pourcentage. L’initiative est un succès et l’espace Tchielly devient rapidement une scène incontournable pour les artistes de Brazzaville. ’’Il faut apprendre à faire avec ce qu’on a même si à priori ce n’est pas grand chose. On doit pouvoir investir les espaces de création et saisir les opportunités à notre portée’’ précise Luc comme il aime à le rappeler durant les formations qu’’il dispense en management culturel.

Impressionné par leur esprit d’entreprise, le directeur du Centre Culturel Français de l’époque vient souvent les écouter. Dominique Doublier leur fourni même un peu de matériel. A son tour, Luc Mayitoukou visite le CCF et s’étonne de ne trouver aucune programmation d’artistes locaux. Le Directeur accepte de lui confier la programmation des spectacles pour une année. Cette ouverture lui permet de programmer de jeunes artistes inconnus mais aussi des musiciens confirmés comme Pamelo Munka, ’’Les Bantous de la capitale’’ ou encore le groupe Sénégalais ’’PBS’’. Soucieux de diversifier leurs activités, Luc et Saintrick réussissent à décrocher un contrat pour toute la communication autour des spectacles et des veillées musicales. ’’Le capital confiance se construit. Cette opportunité ne se serait pas présentée si nous n’avions pas prouvé que nous pouvions faire quelque chose par nous-mêmes’’ affirme avec conviction l’acteur culturel.

Une philosophie qui l’accompagnera tout au long de sa carrière. Exilé avec le groupe à Pointe noire, puis à Bangui suite à la guerre de 1997, Luc administre désormais l’espace ’’Linga Téré ’’de Vincent Mabamchaka. Saintrick en est le directeur technique. ’’A l’époque, on jouait tous les soirs. Nos activités devaient générer suffisamment de revenus pour gérer l’espace et subvenir à nos besoins’’. Les deux frères se perfectionnent. Luc aiguise ses connaissances en management culturel, Saintrick se spécialise en sonorisation de spectacles. Ensemble, ils contribuent à l’émergence de nouveaux talents centrafricains. ’’Mais au bout de deux ans, on a senti qu’on avait fait le tour. On voulait retourner au Sénégal’’, précise Luc. Deux ans auparavant, ils avaient rencontré le célèbre manager et président du festival ’’Africa fête’’ Mamadou Konté. Ils s’étaient promis de rejoindre un jour l’agent qui avait révélé les plus grands musiciens africains sur la scène internationale : Youssou N’Dour, Baaba Maal, Salif Keita, Ismael Lô, PBS... Finalement, leur souhait allait être exaucé plus tôt qu’ils ne le pensaient. Craignant le climat politique tendu à l’approche des échéances électorales de 1999, le groupe décide de partir à Dakar.

Création en projection

’’Nous planifions toujours nos activités sur 10 ans. Nous visualisons où nous aimerions être, ce que nous voudrions avoir accompli et nous travaillons à construire ce projet’’ confie l’entrepreneur congolais.

Sous l’aile de Mamadou Konté dont il devient rapidement le bras droit, Luc redynamise le festival Africa fête, vend des spectacles via la société Art Sen, monte des projets, participe à la programmation de festivals... En dix ans, Luc aura développé la carrière de Saintrick et collaboré avec des dizaines d’autres artistes comme Lexxus legal, Oriazul, Kamaldine, Oupta, Alima, Chiwonizo… Les aînés Zao, Ismaël Lo, Youssou N’Dour, qu’ils rêvaient de côtoyer un jour feront aussi appel à ses services.

Fort de ses diverses influences, son frère Saintrick a créé son propre mbalax, un mélange de sonorité et de style qui le singularise et lui apporte l’adhésion du public sénégalais et étranger. Dès la première année, les artistes sont invités à jouer en France à la fête de la musique, aux Francofolies de Spa en Belgique...

En 2006, sans aucune subvention, les deux frères décident de créer leur propre entreprise culturelle : ’’Zhu Culture’’. Zu, sans le h ajouté pour l’effet visuel, signifie ’’la voix’’ en langue bantou. ’’Zhu Culture’’ : une voix de la Culture à plusieurs résonnances. ’’En créant Zhu Culture, notre vision était double : contribuer à la qualité des produits culturels africains par le biais de la professionnalisation et ensuite rendre accessibles ces produits au public africain par la diffusion’’ précise l’entrepreneur.

Luc et Saintrick commencent à travailler à la maison, chacun chez soi. ’’Mon ordinateur et mon téléphone me suffisaient’’ se souvient le manager. En 6 ans, Luc s’était constitué un carnet d’adresses conséquent qui lui permis de démarrer assez rapidement. La première année, il participe au WOMEX, le premier salon mondial de la musique en Espagne. Des contacts pris là-bas, il revient avec un contrat de formation à Kinshasa. ’’Une adaptation à notre capacité financière était indispensable. Nos premiers efforts étaient donc accentués sur la recherche de contrats de prestations en formation, expertise sur des évènements et vente de spectacles.’’

En 2007, ils achètent des produits de communication et prennent un local. Autour de la musique qui demeure le cœur de leur activité, se développent progressivement les départements formation aux métiers du spectacle vivant, gestion de carrières artistiques, expertise culturelle, organisation de festivals et plus récemment l’édition. Mais tout ne s’est pas fait sans mal. Luc se rappelle : ’’Il nous a fallu prouver qu’une expertise africaine était possible et au même niveau de compétence que celui attendu d’un expert international. Et pour faire face aux différentes charges courantes, nous avons dû mettre en place une stratégie alliant fond propre et subvention dans un objectif d’autonomisation progressif.’’

Un cocktail qui s’est avéré gagnant pour une entreprise à l’avant-garde de l’entreprenariat culturel en Afrique.

Zhu Culture & Africalia : un partenariat pour la culture

Aujourd’hui, Zhu Culture est une agence culturelle pluridisciplinaire basée à Dakar au Sénégal mais dont l’activité se déploie sur une quinzaine de pays africains. Luc Mayitoukou collabore avec plusieurs institutions et organismes internationaux[i]. Parmi eux, Africalia.

En 2003, l’organisme de coopération culturelle belge soutient la tournée de Saintrick en Afrique Australe et scelle ainsi le début d’une collaboration ininterrompue pour le développement de la culture sur le continent africain. Pour Africalia, Luc Mayitoukou a formé des managers burkinabés pendant les éditions du Waga Hip Hop. En tant que Secrétaire général d’ADAFEST[ii], il a participé au programme PPA[iii] d’Africalia. En 2008, un guide pratique sur la sonorisation de spectacles écrit par son frère Saintrick est co-édité par Zhu Culture Editions et Africalia Editions avec l’appui de l’OIF. En octobre 2013, Luc fait partie de l’équipe d’experts de la mission Africalia pour l’atelier de réflexion sur une nouvelle politique culturelle au Burundi.

’’Ce qui nous a séduit chez Zhu Culture c’est qu’ils ont compris l’importance de fournir des services culturels de qualité. De telles structures sont rares sur le continent’’ énonce Frédéric Jacquemin, directeur d’Africalia.

Le secret d’une réussite

L’optimisation des ressources, la créativité, le professionnalisme sont autant de facteurs de réussite pour l’entreprise culturelle. Mais pas seulement. Les frères Mayitoukou misent leur succès sur une complémentarité des compétences et une grande maîtrise de la production. Saintrick Mayitoukou, l’artiste multi-facettes vient de réaliser une bande dessinée que Luc entreprend de développer. Il a déjà pensé aux dérivés : cahier d’écolier, tee-shirt, casquette, jouet, mascotte... rien n’est laissé au hasard. ’’Il faut garder la maîtrise de son produit. C’est essentiel pour le développement d’une entreprise’’ conseille l’entrepreneur. Une maîtrise toute familiale puisque la styliste Régina Miang responsable du département mode n’est autre que l’épouse de Luc. La femme de Saintrick qui est aussi musicienne donne des cours de danse. Formées à l’administration, elles sont aussi chargées de production. Un choix totalement assumé par l’entrepreneur qui y voit là, l’une des raisons de leur succès.

Si l’on pourrait s’interroger sur l’efficacité d’une telle démarche, force est de constater que Zhu Culture se positionne actuellement comme un interlocuteur culturel de premier ordre auprès des partenaires locaux et internationaux. Sollicité dans plusieurs pays pour son expertise, Luc Mayitoukou fait taire tous les sceptiques qui ne verraient que peu d’avenir à l’entreprenariat culturel en Afrique.
  Natacha Songore

[i] Luc collabore avec le MASA (Marchés des Arts et du Spectacle Africain) dont il est membre du Comité Artistique International. Il est secrétaire Général d’ADAFEST au Sénégal. Il collabore au programme de promotion de la Musique en Afrique du CIM (Conseil International de la musique) en tant que formateur. Il est Président de AMA. Zhu Culture travaille actuellement avec le gouvernement Malien (Formation des agents de l’ORTM, office de radiodiffusion du Mali), avec le gouvernement Djibouti (formation des agents du Palais du Peuple et de la troupe Nationale de danse). Il participe au programme EQUATION MUSIQUE avec L’OIF et l’Institut Français.

[ii] Association des Diffuseurs Artistiques et festival du Sénégal

[iii] Programme pluriannuel