Artistes et acteurs culturels dans l’insurrection populaire au Burkina Faso


“Blaise salaud, le peuple a eu ta peau.” Met deze en andere leuzen weerklinkt de overwinning van de vele activisten in Burkina Faso na het aftreden van president Blaise Compaoré. Smockey, uitstekend kora speler en directeur van het festival les Récréatrâles Etienne Minoungou speelden een toonaangevende rol in de populaire revolutie in Burkina Faso. De opstandige jeugd vond in deze artiesten de leiders voor hun mobilisatie en organisatie. Smockey vormt samen met zijn alter ego reggae artiest (...)

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“Blaise salaud, le peuple a eu ta peau.” Met deze en andere leuzen weerklinkt de overwinning van de vele activisten in Burkina Faso na het aftreden van president Blaise Compaoré. Smockey, uitstekend kora speler en directeur van het festival les Récréatrâles Etienne Minoungou speelden een toonaangevende rol in de populaire revolutie in Burkina Faso. De opstandige jeugd vond in deze artiesten de leiders voor hun mobilisatie en organisatie. Smockey vormt samen met zijn alter ego reggae artiest Sams’k le Jah het symbool voor de bijdrage van artiesten aan de betwisting die uitmondde in een opstand op 30 en 31 oktober. De hiphop beweging sloot zich daarbij aan. De avond voor de opstand nodigde Smockey het publiek uit om te protesteren tegen de herziening van de grondwet. Over het algemeen zijn de belangrijkste culturele actoren en hun culturele instellingen echter op de achtergrond gebleven. Le Balai citoyen zou echter een nieuwe golf kunnen betekenen in de sociale beweging in Burkina Faso. Televisie hield zich afzijdig en alle communicatie omtrent de opstand was afhankelijk van de radio. De culturele wereld heeft met andere woorden dappere vertegenwoordigers gevonden die hun bijdrage geleverd hebben aan de strijd van het Burkinese volk. Het ontslag van de minister van Cultuur Adama Sagnon was de kers op de taart. Deze sectoriële overwinning is mogelijks het begin van een ware invloed van de culturele actoren op deze politieke overgang.


 

Artistes et acteurs culturels dans l’insurrection populaire au Burkina Faso

Début d’après midi festif au Centre de presse Norbert Zongo en ce jour historique du 31 octobre 2014. Dans l’arrière cour, quelques dizaines de militants sont installés par petits groupes, entre repas et chants de victoire, l’heure est à la fête, improvisée. Au fond de la cour, autour de tables juxtaposées, un groupe commente joyeusement les évènements, un autre échange gaiement. Parmi eux Smockey, un des leaders de la puissante insurrection populaire encore fumante, lauréat du Kora 2010 du meilleur artiste hip hop africain. Le comédien et dramaturge Etienne Minoungou, Directeur du festival les Récréatrâles, dont la dixième édition est en cours, est également là. A coté, Sams’k le Jah, artiste reggaeman, alter ego de Smockey, serre contre lui, à lui rompre les reins, un jeune universitaire qu’il vient d’apercevoir. Basic Soul, un autre rappeur figure du Balai citoyen filme humblement.

Le départ, sous pression populaire, annoncé il y’a moins d’une heure, du Président Compaoré est un aboutissement pour tous ces activistes. Les chants de liesse reprennent le refrain établi d’un tube de Sams’k, amendé pour la circonstance : « ce président là, il faut qu’il parte et il est parti ». Ou encore « Blaise salaud, le peuple a eu ta peau ». Entre deux chants, Smokey rappe puissamment, en dépit d’une voix manifestement exténuée, un texte inspiré des événements qui se déroulent depuis plusieurs semaines.

Elle ne durera pas cependant la fête. Quelques instants plus tard, le lieu se vide petit à petit. « On n’a pas dormi depuis une semaine » annonce Sams’k qui comme beaucoup d’autres, court trouver chez lui un repos mérité. Well done ! aurait pu dire cet anglicisant qui faisait l’interprète des textes de Bob Marley, Luky Dube et d’autres chantres du reggae auprès des nombreux jeunes auditeurs de son émission radiophonique à succès.

Sobre fête pour une grande victoire. Après 27 ans de pouvoir, Blaise Compaoré sort par la petite porte, poussé par une jeunesse insurgée. Sous son règne, la population a plus que doublée, offrant ainsi le personnel insurrectionnel que la gestion ploutocratique de la société et l’économie oligarchique révoltaient et que le projet de pouvoir à vie a excédé. Cette jeunesse, dépitée par les errances politiques et les luttes sabordées, a trouvé au duo d’artistes Smokey-Sams’k des leaders de sa mobilisation et de son organisation. Ce duo représente le symbole de la contribution d’artistes à la contestation qui a culminé en l’insurrection des 30 et 31 Octobre. Le Balai citoyen a offert un cadre adéquat de rencontre de différents groupes de jeunes dont des artistes en herbe. La mouvance hip-hop, très engagée à travers les textes, mais étrangère aux luttes populaires, a rejoint massivement les rangs. Certes, des têtes d’affiche comme Faso Kombat, ont été attendus, en vain, et Smarty, lauréat du Prix RFI 2013, a eu des positions pour le moins timides et ambigües. Mais les jeunes rappeurs ont été présents y compris dans le lot de martyrs. Fab la fin, un jeune à la recherche de son premier album de rap, a rencontré, sur la route du palais présidentiel le 30 octobre, une balle qui lui a transpercé mortellement le cou. Il était de Wemtenga, un quartier baston du hip-hop ouagalais. Le collectif Tékré (le changement en langue mooré), composé de rappeurs de la diaspora burkinabé aux Etats-Unis, a montré un engagement réel bien que la chanson qu’il a enregistrée en soutien à la lutte n’a pas rencontré le succès escompté.

Fer de lance, à cotés d’autres mouvements de jeunes, de l’insurrection populaire, le Balai citoyen a bénéficié pour son implantation depuis moins de deux ans de l’appui logistique de Semfilms, l’association de promotion des droits humains par l’image, et des conseils avisés de son coordonnateur Abdoulaye Diallo, par ailleurs promoteur de Jazz à Ouaga et de l’important festival militant ciné droit libre. Les jeunes piliers de l’organisation de ce festival qui libère la parole depuis plus de dix ans sont au devant de l’organisation citoyenne. Une vidéo accessible sur le net montre ces militants au cœur de l’insurrection, certains pleurant leur bonheur après la « prise » de l’Assemblée nationale.

La veille de l’insurrection, à la fin de la pièce Nuit blanche à Ouagadougou, dans laquelle il tient un rôle, Smockey invitait le public à le rejoindre à la place de la nation pour protester contre la révision de la constitution. Cette pièce de Serge-Aimé Coulibaly est le symbole de ces productions dramaturgiques engagées pour le changement. La programmation de ces dixièmes Récréâtrales, la plus politique de son histoire pour certains, a fait la part belle à des textes qui scrutaient un avenir autre à l’instar de la « la malice des hommes » de Jean-Pierre Guinguané qui met en scène « les derniers jours d’un dictateur avant l’alternance démocratique ».

Mais en réalité, les acteurs culturels majeurs et les lieux culturels institutionnels (les théâtres, les cinéastes, les comédiens, etc.) sont restés timorés ou en second plan. Cette position relativement timorée est peut être en lien avec les relations partenariales des acteurs institutionnels et les enjeux inhérents de financements, mais elle n’excluait pas des complicités réelles avec le mouvement et des engagements sincères. Toutefois, Si le Balai citoyen représente la nouvelle vague du mouvement social burkinabé, ses deux porte-étendards incarnent également un engagement militant et citoyen radical inédit pour des artistes.

Par ailleurs, la coalition des artistes et des intellectuels constatait que sa « parole a manqué lors de l’insurrection populaire ». Mais plus que de par le passé, des universitaires engagées et des intellectuels ont trouvé dans la presse le relai de leurs discours contestataires. Durant la longue lutte contre la révision constitutionnelle, la majorité de la presse écrite et la plupart des radios se sont montrées réservées, sceptiques et même opposées aux arguments spécieux du parti au pouvoir et de ses alliés. La couverture radiophonique de l’insurrection a été déterminante pour l’information des populations et la communication des insurgés. Quant à la télévision nationale, elle est restée sourde durant plusieurs mois à l’agitation et à la contestation anti-révision de plus en plus populaire. Sa position autiste n’est pas étrangère aux attaques des insurgés contre son siège voisin de l’Assemblée nationale.

Le monde culturel a, en somme, trouvé de vaillants représentants qui ont porté sa contribution, à coté des forces politiques de l’opposition et de la jeunesse, à la lutte du peuple burkinabé. La démission du ministre de la culture Adama Sagnon a été la cerise sur le gâteau obtenu principalement par les acteurs culturels mobilisés et soudés pour refuser la nomination de ce magistrat en raison de son rôle majeur dans « l’enterrement judiciaire » du dossier de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo. Cette victoire, sectorielle pourrait-t-on dire, préfigure-t-elle d’une influence réelle des acteurs culturels sur la transition politique en cours ? L’échec des ambitions ministérielles portées par (ou prêtées à ?) des acteurs culturels qui lorgnaient la position du démissionnaire devrait donner davantage de chance à une concertation et à une convergence stratégique en vue d’influer le renouveau en construction. Mais rien n’est moins sûr. Plus modestement et plus près de la réalité, des propositions de réformes sectorielles, dont celle du 1% culturel, pourraient-elles trouver des suites heureuses dans le lot des lois à adopter en 2015 ?

Dr Ra-Sablga Seydou OUEDRAOGO

Economiste-Chercheur, Institut FREE Afrik, Université de Ouaga2, activiste de la société civile burkinabé.