ISIS-SE, une nouvelle génération de cinéastes d’Afrique


L’ISIS (Institut supérieur de l’Image et du Son) de Ouagadougou est peut-être le laboratoire du cinéma africain de demain. Créée, il y a sept ans, l’institution a vite acquis une réputation dépassant les limites du Burkina. Elle attire des étudiants de divers pays du continent africain. Par la qualité de son enseignement qui a parfaitement intégré les apports de la révolution digitale. Et qui s’enrichit du know-how de professionnels africains et européens. Partenaire d’ISIS, Africalia finance chaque année (...)

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L’ISIS (Institut supérieur de l’Image et du Son) de Ouagadougou est peut-être le laboratoire du cinéma africain de demain. Créée, il y a sept ans, l’institution a vite acquis une réputation dépassant les limites du Burkina. Elle attire des étudiants de divers pays du continent africain. Par la qualité de son enseignement qui a parfaitement intégré les apports de la révolution digitale. Et qui s’enrichit du know-how de professionnels africains et européens. Partenaire d’ISIS, Africalia finance chaque année l’organisation de deux master-classes de ces spécialistes.

ISIS attire aussi les futurs talents par sa politique sociale. En prenant en charge leurs frais de scolarité dès la deuxième année à hauteur de 75 %. Et ce, grâce à l’apport financier d’Africalia. Qui, par ailleurs, décroche des stages en Belgique pour les étudiants de l’institution burkinabé. Sans ce soutien, la plupart de ceux-ci n’auraient pas pu réaliser leur rêve. Blanche Sanou, ingénieure Son et Lumière de la première promotion de l’ISIS, en charge actuellement des productions audiovisuelles dans une société burkinabé, en témoigne. « J’ai aussi bénéficié d’un stage de formation à Bruxelles qui a enrichi mon expérience »

Découvrez plus sur ISIS avec l’article de Saïdou Alcény BARRY figurant ci-dessous ou téléchargez le au format pdf en cliquant ici.


ISIS-SE, une nouvelle génération de cinéastes d’Afrique

A Ouagadougou, l’Institut Supérieur de l’Image et du Son – Studio Ecole, grâce à des partenariats innovants ambitionne de former la nouvelle génération de réalisateurs et de techniciens du cinéma africain. Après sept ans d’existence, elle semble sur la bonne voie. La preuve par trois étudiants.

En ce début de rentrée, les nouveaux étudiants, fraîchement admis en première année, qui franchissent le seuil de l’Institut supérieur de l’image et du Son – Studio Ecole (ISIS-SE)dont la renommée est internationale ont l’impression de s’être fait arnaquer car ce qu’ils voient ne ressemble en rien à l’image qu’ils s’en faisaient. Dès qu’on passe le portail d’entrée, on est frappé par l’architecture vieillotte des bâtiments. L’intérieur des bureaux est spartiate mais l’ordre y règne, les documents sont empilés sans qu’un seul ne dépasse. Le silence studieux montre que le personnel est tout à sa tâche. Par ailleurs, les arbres et le parterre de fleurs devant les bureaux distillent un air de sérénité.

Pourtant il ne faut point se fier aux apparences. C’est dans les vieilles marmites que l’on concocte les meilleures sauces, dit une sagesse africaine. L’ISIS naît au forceps en 2007 et hérite des locaux et le matériel de la Direction de la Cinématographie nationale. Cela procédait de la volonté de l’Etat burkinabè (deux décennies après la fermeture de l’Institut Africain d’Education Cinématographique l’INAFEC qui formait depuis 1977 des techniciens et des réalisateurs africains) de se doter d’un outil de formation aux métiers de l’image et du son. L’ouverture d’une nouvelle école était vraiment nécessaire afin de contrer l’affaiblissement de la qualité des productions cinématographiques nationales et sous-régionale ainsi que pour faire participer les jeunes et les anciens cinéastes à la révolution technique du numérique. L’attente de formation était si forte que ce fut d’emblée comme un appel d’air, les étudiants ont afflué des quatre coins du continent. Selon les années, on y trouve des Ivoiriens, des Nigériens, des Centrafricains, des Tchadiens, des Togolais, des Gabonais…

En quelques années, l’ISIS s’est imposé comme un pôle d’excellence dans la formation aux métiers de l’image, un laboratoire où se prépare le cinéma africain du futur. Pour se hisser à ce niveau, l’Institut a noué des partenariats avec différentes structures africaines et européennes et s’est doté d’un studio-école avec un matériel à la pointe de la technologie : caméras HP, matériel de montage, de mixage et d’étalonnage hi-Tech.

« Une ingénieure » du son dans un monde d’hommes

Dans la cours, Blanche Sanou et Ibrice Nziengui regardent avec un sourire amusé les nouveaux venus dont la perplexité se lit dans les yeux.

Blanche SANOU, une jeune femme gironde, fait partie de la première promotion de l’ISIS ; elle est ingénieur son et lumière. Elle fait partie des pionnières dans ce métier et apporte son savoir-faire aux productions audio-visuelles du pays. Elle a été technicienne sur les plateaux des séries Trois femmes, un village d’Aminata DIALLO-GLEZ, Alima de Kouka Aimé Zongo et de plusieurs documentaires. « C’est après mon Bac à Bobo Dioulasso que j’ai entendu parler de l’ouverture de l’ISIS. En fait, je pensais plutôt à la communication quand je m’inscrivais. Après la première année en tronc commun, j’ai opté pour la formation en lumière et son » explique Blanche en évoquant sa première année à l’ISIS.

Quand on l’interroge sur la qualité de la formation, elle insiste sur le fait que l’Institut possède un personnel hautement qualifié et un matériel de pointe. « J’ai aussi bénéficié d’un stage de formation à Bruxelles qui a enrichi mon expérience  ». Elle est actuellement responsable des productions audiovisuelles à Silice Events S.A qui est une maison de production burkinabè.

Un bantou sous le ciel de Ouaga

Ibrice Nziengui, lui est un réalisateur gabonais. Comment se fait-il qu’un ressortissant de l’Afrique centrale vienne de si loin pour étudier au Pays des hommes intègres ? Le jeune homme qui fait partie de la dernière promotion en réalisation sourit. « Par amour du cinéma, dit-il avant de poursuivre. En fait, c’est une compatriote réalisatrice qui est venue au Fespaco 2011 qui m’a parlé de l’existence d’un Institut du cinéma au Burkina ». N’ayant pas eu de bourse de son pays, il a débarqué dans la capitale burkinabé et a payé les 825.0000 frs CFA (1260 euros) pour l’inscription en première année à ses propres frais. Mais les deux années suivantes, il n’a eu qu’à débourser 25% des frais de scolarité grâce au soutien d’Africalia dans les frais de scolarité des étudiants en deuxième et troisième année. Blanche Sanou opine de la tête pour appuyer les propos de son ami et nous confie qu’elle a aussi bénéficié de cette manne et que « ce fut comme si on m’ôtait une épine du pied ». Actuellement, avec d’anciens étudiants de l’Institut, Ibrice Nziengui a monté une agence de production et compte bien se faire une place dans le monde de l’image au Burkina.

Le Kho-i-noor de l’école

Jean Baptiste Pazouknam Ouédraogo fut quant à lui le lauréat de l’Etalon du meilleur film des Ecoles de cinéma au Fespaco 2013 avec son court-métrage intitulé Une partie de Nous. Il s’agit d’un conte écologique sur l’histoire d’amitié entre une fillette et un arbre à qui elle se confie.

Ce jeune réalisateur, au verbe posé et aux yeux rieurs est un homme qui sait ce qu’il veut. Il explore des voies de traverse tant au niveau des thématiques que de l’image. Et pourtant il s’en est fallu de peu pour qu’il ne passe pas à côté de son destin de cinéaste. Il venait de terminer ses études de communication à l’Université de Ouagadougou et travaillait déjà en free lance quand il a appris par hasard qu’il y avait un test de recrutement à l’ISIS. « J’y suis allé juste pour évaluer mon niveau… Et puis, je me suis retrouvé classé premier ! Aussi me suis-je dit que maintenant que j’y étais admis, il fallait que je pose l’autre pas en m’inscrivant. »

L’heure était donc venue pour ce jeune homme de se lancer dans l’aventure du cinéma. « Mais n’ayant pas prévu vraiment de faire du cinéma, je n’avais pas l’argent pour payer les frais d’inscription de la première année. J’y suis parvenu avec l’aide de ma famille mais il n’était pas certain que je puisse trouver la même somme en deuxième année. Heureusement que le partenariat entre l’ISIS et Africalia a pris en charge 75% des frais de scolarité en deuxième et troisième année. Grâce à cette aide, j’ai pu continuer. »

En troisième année, il a écrit le scénario de son film et a bénéficié du coaching des réalisateurs burkinabé comme Gaston Kaboré et Idrissa Ouédraogo (deux lauréats de l’Etalon d’or). Dans le cadre de son partenariat avec l’ISIS, Africalia soutient également l’organisation annuelle de deux masterclasses données par des professionnels africains ou belges ainsi que la coproduction des films de fin d’année. Ainsi, Jean Baptiste a pu profiter de la venue de Sophie BRUNEAU, une professionnelle belge, pour apprendre de son expérience et bénéficier d’explications dans le découpage technique. « Elle m’a été d’une aide précieuse et m’a permis d’améliorer mon scénario », dit-il. En ce moment, il se bat pour faire connaître son œuvre. L’Institut en tant que producteur des films est chargé de la communication et de la diffusion du film à travers les festivals mais le jeune réalisateur ne croise pas les bras pour autant. Il a mis le film en ligne[1] et travaille également de son côté pour diffuser son film. Il réalise actuellement son prochain film qui expérimente une narration déconstruite, faisant appel à une multitude de points de vue.

Pour ces trois élèves, comme pour les nouveaux inscrits, il faut que l’ISIS reste ouvert sur le monde et persévère dans la culture de l’excellence. Le Délégué Général de l’Institut, Privat Tapsoba est conscient des enjeux et rêve de faire de son petit Institut un laboratoire où se crée le cinéma du futur et pour cela, il compte développer plus de partenariats innovants.
Saïdou Alcény BARRY

 

[1] https://www.dropbox.com/s/vggzzz7sszvq72n/UNE%20PARTIE%20DE%20NOUS.VOB